13. Vitesse critique de l’arbre : paramètre essentiel du dimensionnement d’un ventilateur.

Introduction

Le dimensionnement mécanique d’un ventilateur est bien sûr guidé par des contraintes économiques qui mènent à la sélection des aciers et de leurs épaisseurs, ainsi qu’à un design minimisant les heures de fabrication, pour aboutir à un prix de vente compétitif.

Néanmoins, le ventilateur étant une machine tournante, il est interdit de faire l’économie d’un calcul rigoureux, assorti de coefficients de sécurité suffisants, pour garantir un fonctionnement sûr tant pour la sécurité du personnel exploitant que pour les équipements annexes à son installation.

Avec le calcul des contraintes dans la roue, celui de la vitesse critique de l’arbre est à ce titre un des paramètres essentiels de dimensionnement, car du résultat découlera la définition du diamètre de l’arbre, de la masse du rotor, d’où la taille des paliers et enfin le design du support permettant de soutenir l’ensemble, pour un fonctionnement dans de bonnes conditions vibratoires.

Examinons la problématique liée à cette vitesse critique.

Tout corps, écarté de sa position d’équilibre, oscille autour de cette position dès que l’action qui l’en a écarté cesse. Cette oscillation est un mouvement périodique qui est une caractéristique du système. On appelle fréquence propre du système l’inverse de cette période.

Tous les corps, même ceux dits « rigides » sont plus ou moins élastiques, et sont donc susceptibles de vibrer à leur fréquence propre. L’exemple le plus commun est celui de la latte, fermement maintenue par une main au bord d’une table, à qui on communique une force à son bout resté libre. La fréquence propre de ce système est directement influencée par la longueur libre de la latte, c’est-à-dire par la « raideur » du système. La fréquence est basse pour une grande longueur libre, haute si on rigidifie en diminuant cette longueur libre.

En oscillation libre, c’est-à-dire sous l’influence d’une action unique, le corps finit par retrouver sa position d’équilibre. Par contre, si la cause excitatrice est est-elle-même périodique, et qu’elle se produit à la même fréquence que la fréquence propre du système, on constate que les amplitudes des vibrations croissent au-delà de toute limite, théoriquement jusqu’à rupture du système. La fréquence de l’excitation est alors dite fréquence critique.

Ex.1. tout le monde se souvient de sa balançoire : si à chaque retour de l’enfant devant son parent, celui-ci le pousse légèrement mais de manière constante, c’est-à-dire à une fréquence égale à la fréquence propre du système enfant-balançoire, l’amplitude du mouvement devient vite dangereuse et nécessite rapidement de stopper l’action de pousser.

Ex.2.on connait des cas de rupture de pont, sous l’action du simple passage de troupes militaires marchant à un pas cadencé, et dont la fréquence correspondait malheureusement à la fréquence propre du pont.

Application à un arbre de ventilateur

Un arbre est élastique, puisqu’il prend une flèche sous l’action du poids de la turbine. La turbine possède toujours un balourd résiduel qui donne naissance à une force centrifuge tournant au rythme de la rotation de l’arbre. Donc, nous avons une excitation dont la fréquence est celle de la vitesse de rotation. Si cette vitesse de rotation est égale à la fréquence propre de l’arbre, il y a résonnance et l’amplitude des oscillations de l’arbre croît jusqu’à la rupture de ce dernier.

Il convient donc de dimensionner ce dernier de telle manière à ce que la vitesse de rotation définie par les conditions d’exploitation ne s’approche pas trop de cette vitesse critique, au risque de voir se développer des vibrations néfastes tant pour le ventilateur que pour son environnement immédiat.

Les facteurs influençant la fréquence propre sont notamment :

  1. La raideur k: on a vu plus haut que la fréquence propre augmente avec la raideur
  2. La masse m en mouvement : si on augmente la masse pendue verticalement à un ressort, le mouvement devient plus lent, donc la fréquence diminue.

La raideur et la masse font donc varier la fréquence propre en sens inverse et on a :

Fp=1/2π√k/m

On peut en outre démontrer que la raideur k = P/f (Poids/flèche) .

Sachant que P=mg (masse x accél. pesanteur), on aboutit à une nouvelle expression de la fréquence propre :

Fp=1/2π√g/f

La vitesse critique Nc est égale à la fréquence propre de l’arbre Nc = 1/2π √k/m = 1/2π√g/f

Soit un ventilateur conçu pour 1500 RPM et dont l’arbre présenterait une flèche de 0.35 mm sous l’action d’une roue de masse = 300 kg. Cet arbre a une raideur

k= 300 x 9.81/0.00035= 8408571.

Sa vitesse critique sera donc Nc = 1/2π√8408571/300 =26.6 tr/s , soit 1598 RPM

Une telle valeur est donc dangereuse car elle est très proche de la valeur nominale de rotation (1500 RPM), en particulier lorsque le ventilateur est entraîné par un variateur de vitesse qui pourrait la sélectionner comme vitesse de rotation en fonction de conditions d’exploitation particulières. Il faut donc rigidifier l’arbre en augmentant son diamètre pour diminuer sa flèche.

Il est courant de dimensionner les arbres pour que le coefficient de sécurité de leur fréquence propre en regard de la vitesse de design du ventilateur soit de 1.3 à 1.5, voire 1.7 dans des circonstances particulières.